“Nous inscrivons dans le marbre de la loi le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) et le programme d’action qui en découle. Ces deux éléments sont la colonne vertébrale de la démarche de prévention collective de l’entreprise.” C’est ainsi que la députée Charlotte Parmentier-Lecocq décrivait la loi du 2 août 2021 “pour renforcer la prévention en santé au travail” (1).
L’une des mesures phares de la loi confirme avec éclat cette orientation : la nouvelle obligation, pour les entreprises, de conserver pour une durée de 40 ans les versions successives de leur document unique. En effet, comme le souligne Sophie Fantoni-Quinton, conseillère au secrétariat d’Etat chargé des retraites et de la santé au travail, cette mesure permettra de “retracer la démarche continue de prévention de l’entreprise” et “les progrès qu’elle a réalisés” (2).
Cette innovation signifie que tout manquement passé pourra désormais être plus aisément démontré des décennies plus tard, notamment dans le cas des maladies professionnelles se déclarant postérieurement à l’exposition du salarié au risque. “Il sera plus facile de reconnaître le lien entre une maladie et une exposition”, résume Pierre-Yves Montéléon, responsable confédéral de la CFTC chargé de la santé (3). L’ extension de l’accessibilité au DUERP, également prévue par la loi, va dans le même sens. En effet, son accès est désormais garanti aux travailleurs mais également aux “anciens travailleurs” et à “toute personne ou instance pouvant justifier d’un intérêt à y avoir accès”.
Cela aura nécessairement un fort impact sur les procédures contentieuses. “En cas d’accident, les actions de prévention réalisées par l’entreprise pourront être évaluées par le juge, de façon rétrospective, sur la longue durée. Cet historique des actions d’évaluation et de prévention sera évidemment pris en compte pour juger du respect, par l’employeur, de son obligation de sécurité”, explique Maître Hugues de Poncins, avocat spécialisé en droit du travail (4).
La loi du 2 août dernier crée ainsi, pour les entreprises, une sorte “d’obligation de progrès continu” dont elles ne peuvent s’acquitter qu’en portant une attention redoublée à la réalisation et à la mise à jour de leur document unique ainsi qu’aux programmes d’action de prévention associés à celui-ci.
François Sidos
Président du Groupe Pôle Prévention
(1) Liaisons sociales magazine, n° 230, mars 2022.
(2), (3) Travail & Sécurité, n° 826, mai 2021. (4) Prevenscope n°442, mars-avril 2022.